
QUE PUIS-JE FAIRE POUR MIEUX VIVRE MON DEUIL? COMMENT S'AIDER SOI-MÊME?
Voilà toute une question. Malheureusement, il n’existe pas de recette précise. Néanmoins, peut-être que ce n’est pas une si mauvaise chose qu’il n’existe pas de telle recette. La créativité et la spontanéité sont des éléments essentiels pour composer avec le deuil quotidiennement. Le deuil pouvant se présenter comme des vagues ou sous différentes couleurs d’une journée à l’autre, il faut savoir accueillir ce qui se présente dans le moment présent et essayer la stratégie qui nous convient le plus ; la stratégie qui nous fait du bien ou celle qui nous interpelle et nous permet de survivre aux vagues du deuil pour profiter par après un peu plus des accalmies. Plusieurs stratégies existent pour prendre soin de soi durant l’épreuve de la perte. Elles ne vous conviendront pas toutes et fort probablement que vous pourrez penser à d’autres stratégies. Peut-être qu’elles vous conviendront à certains moments durant votre deuil et pas du tout à d’autres moments. N’oubliez pas que vous changez et que le deuil lui aussi change et nous change. Voici quelques questions qu’il est possible de se poser afin de déterminer si une stratégie semble adéquate :
(a) Est-ce que cette stratégie me fait du bien ?
(b) Si elle ne me fait pas de bien, est-ce que j’ai le sentiment qu’elle me fera du bien éventuellement ou qu’elle pourrait me faire du bien dans un autre contexte ? Est-ce que j’ai envie de continuer de l’essayer ?
(c) Si elle me fait à la fois mal et à la fois du bien, est-ce que cela me convient ? Suis-je « ok » avec la souffrance que cela me procure ? Et surtout, est-ce que cela a du sens?
(d) Est-ce que j’ai le sentiment que cette stratégie me retient/me bloque d’une quelconque façon ou m’empêche d’être là où je souhaiterais être ? – référez-vous d’abord et avant tout à votre propre vécu intérieur lorsque vous vous posez cette question et peut-être un peu moins à ce que les autres peuvent dire autour de vous (attention: cela ne veut pas dire pour autant de ne pas écouter du tout les réflexions et observations des autres!). Parfois, nos proches s’inquiètent et il est bien normal qu’ils souhaitent nous voir aller mieux aussi rapidement que possible. Toutefois, nous pouvons avoir le besoin d’être en contact avec notre souffrance par moments, et ce afin de nous sentir mieux éventuellement. La clé est donc de bien identifier ce que vous ressentez, de comprendre les messages qui accompagnent l'émergence d'une émotion donnée, puis de les écouter et d’y faire confiance.
1— PARLER
S’exprimer, se raconter, utiliser les mots pour panser nos maux.
Pour bien des gens, s’exprimer, « sortir le méchant », nommer ce qui nous rend honteux.se, en colère ou coupable est un passage important dans le cheminement de deuil. Perdre un être que nous aimons est tragique. Se permettre d’extérioriser cette tragédie peut faire un certain bien après coup, même si cela risque de faire mal dans l’immédiat. Toutefois, raconter ce que nous vivons, ce n’est pas uniquement parler de notre souffrance. Raconter son histoire avec l’être cher, c’est aussi s’autoriser à parler des souvenirs agréables et des bons moments. C’est se donner le droit de parler des belles choses que l’autre nous a laissées en héritage. Parler permet aussi de réfléchir. Dire les choses à haute voix, ce n’est pas la même chose que de les entendre dans notre tête. Les dire en face d’une personne qui nous écoute est aussi bien différent. N’ayez pas peur de raconter votre histoire, les moments difficiles comme les moments plus doux. Bien souvent nous nous disons (ou nous nous faisons dire par les autres) qu’il faut passer à « autre chose ». Bien souvent nous pouvons avoir peur de se répéter, de raconter encore et encore la même chose. N’oubliez pas qu’il est parfois essentiel pour quelqu’un de se raconter encore et encore pour passer à travers l’épreuve du deuil. N’oubliez surtout pas que chaque fois que vous racontez votre histoire, il est bien souvent faux de dire que vous vous répétez. Les différences sont parfois subtiles, mais il y a souvent de petites nuances qui se faufilent dans notre discours. À chaque fois que vous racontez votre histoire, vous la racontez un peu différemment, vous vous entendez différemment et vous ne vous sentez plus de la même façon lorsque vous la racontez. Éventuellement, vous pourrez la raconter avec cette impression que votre blessure n’est plus aussi à vif. Peut-être même que vous vous direz qu’il y a quelque chose de beau qui émerge de votre histoire, que votre histoire vous transforme et vous permet de voir la vie différemment. Ne sous-estimez jamais le pouvoir de la parole.
2— ÉCOUTER
Se renseigner, partager et connecter avec l’autre pour mieux comprendre nos maux
Si la parole peut vous aider, l’écoute aussi. Plusieurs endeuillé.es trouvent quelque chose de réconfortant et de soutenant dans le fait d’entendre l’histoire de personnes ayant vécu des expériences similaires à la leur. C’est pourquoi les groupes de soutien pour endeuillé.es existent notamment. Nous pouvons nous inspirer des expériences d’autres personnes pour trouver des façons de s’aider soi-même et pour mieux comprendre ce que nous vivons. Écouter l’autre, être en dialogue avec autrui, c’est aussi créer un lien parfois très intime. Être en relation intime et profonde avec d’autres personnes lorsque nous vivons un deuil est une façon incroyablement puissante de vivre malgré le mal et le chagrin. Cela dit, il est possible que vous n’ayez pas envie ou que vous ne vous sentiez pas prêt à vous impliquer activement dans une conversation avec une autre personne en lien avec votre perte. Dans de telles situations, il est aussi possible d’aller écouter les paroles de personnes inspirantes dans le cadre de conférences par exemple ou d’ateliers sur le deuil. Écouter d’un peu plus loin, avec une certaine distance, des spécialistes de l’accompagnement du deuil ou même des endeuillé.es qui témoignent de leur vécu devant public peut vous être d’un grand bien. Finalement, vous pouvez « écouter » les paroles d’autres individus inspirants en lisant leurs paroles. Les livres sont une vraie mine d’or pour qui cherche l’apaisement.
3— ÉCRITURE, PEINTURE OU ENCORE MUSIQUE
Quand les mots sont insuffisants, l’art peut panser nos maux
Parler peut être trop difficile ou même vous faire plus de mal que de bien. Peut-être même que vous ne savez pas quoi dire, que vous trouvez qu’il n’y a rien à dire. C’est possible. Vous n’avez peut-être pas envie d’écouter quelqu’un d’autre vous parler de son deuil. Peut-être que vous avez envie d’être seul.e, mais qu’en même temps vous cherchez un moyen de « faire » quelque chose avec votre trop-plein d’émotions. L’art s’est révélé être un moyen d’expression, de libération et de cheminement de deuil précieux pour de nombreux.se endeuillé.es. L’art permet ainsi paradoxalement de dire ce qu’on ne parvient pas à dire. Certaines personnes écrivent ce qu’elles vivent. D’autres le dessinent, le peignent, le sculptent ou encore l’interprète et l’écoute (la musique est une idée intéressante pour prendre soin de soi en période de grande souffrance). Votre art peut être directement en lien avec ce que vous vivez ou pas du tout. Le deuil demeure un paysage mystérieux. Peindre un pot de fleurs bien banal peut potentiellement avoir plus d’impacts positifs sur nous que de peindre quelque chose directement lié à notre être cher décédé. S’aider dans son deuil, c’est aussi accepter de ne pas tout comprendre et d’apprécier les petites zones d’insondable. Dernière précision : nul besoin d’être un.e excellent.e artiste pour profiter des bienfaits de l’art sur le deuil !
4— SE DISTRAIRE
Pour panser nos maux, il faut parfois arrêter de penser à nos maux, ne serait-ce que momentanément
Celui ou celle qui a dit qu’un « bon » deuil se fait en y pensant constamment se trompait. En effet, survivre à la morsure de la perte se ferait plus facilement en faisant autre chose à l’occasion que de se centrer constamment sur notre deuil et sur notre relation au ou à la défunt.e. L’idée n’est pas de s’empêcher de vivre notre souffrance (bien au contraire !), mais il faut aussi s’autoriser à vivre autre chose et se dire : « Bon ! Aujourd’hui j’en ai assez de pleurer. Je suis épuisé.e. J’ai besoin de me changer les idées ! ». Travailler, aller au cinéma, souper avec les enfants, voyager, regarder un match de hockey ou même jouer au hockey peuvent tous être des éléments cruciaux d’un « bon » cheminement de deuil. Il est exténuant d’avoir constamment mal. Bien souvent, pour continuer d’avancer, il est essentiel de prendre des pauses et de se recharger les batteries. Ignorer le fait que vous avez mal le temps d’une pause de deuil peut vous faire le plus grand des biens. Se distraire permet d’apprivoiser votre souffrance progressivement, pas à pas, et d’y revenir le cœur un peu reposé.
5— LE CORPS
Nos maux ont un impact sur notre corps et notre corps a un impact sur nos maux
Le deuil se vit dans notre tête, dans notre cœur, à l’intérieur. N’oublions pas par contre qu’il s’incarne également dans notre corps. Plusieurs recherches tendent à montrer depuis de nombreuses années que notre santé mentale et notre santé physique sont liées. Donc, s’il est vrai qu’aller mieux dans votre tête pourrait vous aider à aller mieux dans votre corps, n’oublions pas que l’inverse est aussi vrai. Danser, marcher, courir, faire un sport sont tous des moyens de « métaboliser » le deuil, c’est-à-dire de le vivre différemment dans votre corps et dans votre tête. De nombreuses personnes pourront vous témoigner des bienfaits de l’activité physique sur eux-mêmes. Certain.es vous diront que de jouer au basketball leur a permis de se « défouler », d’évacuer toute la colère qu’ils ou elles ressentaient. D’autres vous diront que la danse contemporaine ou un massage leur a permis de libérer certaines tensions et de se sentir moins étouffer dans leur propre corps. La respiration diaphragmatique et la méditation sont d’autres moyens que vous pouvez essayer pour bien prendre conscience de ce qui se passe dans votre corps et pour vous permettre de réfléchir autrement ; pour vous permettre d’accéder peut-être à des nuances et couleurs insoupçonnées de votre expérience de deuil.
6— S’IMPLIQUER
Quand aider à panser d’autres maux nous aide à panser les nôtres
Dans la série télévisée américaine This is Us, un médecin dit à un père en deuil de son enfant mort-né qu’il faut tenter de faire une limonade avec le plus amer des citrons. Parfois, de très belles choses peuvent prendre racine dans une expérience aussi douloureuse que celle du deuil. L’idée ici est de « faire » quelque chose avec notre perte. Que voulons-nous faire de notre souffrance ? Certaines personnes voudront l’utiliser pour être différentes au quotidien. Ces personnes utiliseront leur nouvelle compréhension de la douleur de la perte pour être plus attentives à ce que vivent leurs proches. Certains individus sentiront peut-être même le besoin de s’impliquer plus activement dans une cause donnée, en aidant d’autres personnes et en effectuant du bénévolat par exemple. Pour certain.es endeuillé.es, transformer leur souffrance en carburant, en une bonne dose d’empathie qu’ils ou elles peuvent redonner à d’autres est une incroyable source de réconfort. Plus encore, c’est une source de sens. Par conséquent, n’oubliez pas que parfois aider l’autre, c’est aussi (et peut-être même surtout) s’aider soi-même. Demeurez vigilant cependant et allez-y à votre rythme. Ce n’est pas tout le monde qui se sentira prêt à s’exposer aux souffrances d’autrui, surtout dans un contexte où celles-ci peuvent faire écho à nos propres souffrances. Bien choisir ses implications est donc important.
7— PERSONNALISER
Nos maux sont nos maux
Le deuil « bien fait », celui qui nous permet de nous sentir à nouveau capables d’investir la vie et d’y trouver des sources de réconfort et de bien-être, est un deuil d’abord et avant tout personnalisé. C’est-à-dire que ce deuil nous ressemble et que nous utilisons les repères, les ressources, les outils ou les stratégies qui nous font du bien à nous et nous aide à aller de l’avant. Cette recette idéale est unique. La recette de quelqu’un d’autre ne vous conviendra jamais parfaitement et votre propre recette ne conviendra jamais parfaitement non plus à d’autres. Soyez créatifs. Tentez quelque chose et donnez-vous le temps et l’opportunité de trouver vos propres sources de soulagement.
8— DEMANDER DE L'AIDE
Parfois nos maux nous submergent et nous dépassent
Il est possible que les différentes stratégies énoncées ici ne fonctionnent pas pour vous. Il est possible que vous vous sentiez tout simplement incapable de les appliquer. Vous vous sentez peut-être même complètement dépassé.e par votre tragédie. Il arrive que le deuil soit trop complexe à porter seul ou avec ses proches. C’est peut-être l’occasion de faire appel à un.e professionnel.le de l’accompagnement du deuil. Précisons que ces professionnel.les peuvent aussi potentiellement vous aider même lorsque vous ne vous sentez pas complètement en détresse. Encore une fois, la clé est de vous écouter et de vous faire confiance. En ressentez-vous le besoin ? Avez-vous envie d’aller voir un.e professionnel.le ? Avez-vous envie d’essayer, question de voir si cela pourrait aider ? Effectuer une première rencontre avec un.e psychologue, par exemple, ne vous engage à rien. Vous pouvez cesser de le consulter à tout moment. Mais qui sait… peut-être que vous aurez envie d’y retourner une autre fois.