
QUOI FAIRE (OU PLUTÔT COMMENT ÊTRE, VERS QUOI TENDRE) POUR SOUTENIR UN.E PROCHE EN DEUIL?
Composer avec la mort est bien évidemment une épreuve d’abord et avant tout pour la personne endeuillée elle-même. Cependant, c’est également une épreuve pour la communauté qui entoure cet.te endeuillé.e: sa famille, ses amis et ses proches. Quand la souffrance d’un être que nous aimons est à son paroxysme, nous pouvons souffrir en écho. Il peut être difficile de ne pas se sentir impuissant.e face à tant de chagrin. Nous pourrions vouloir trouver un remède miracle pour que la personne cesse de souffrir. Nous voudrions trouver les bons mots, des mots réconfortants, mais nous ne savons pas quoi dire. Quoi dire à quelqu’un qui est en deuil ? Quoi ne pas dire ? Quoi faire ? Quoi ne pas faire ? Si notre propre souffrance peut être difficile à tolérer, celle de l’autre l’est également.
La recherche scientifique, mais aussi de multiples témoignages, nous ont indiqué à maintes reprises que le soutien des proches serait la pierre angulaire du rétablissement de bien des endeuillé.es. Être conscient de cette information confère beaucoup de pouvoir aux proches, mais peut leur mettre sur les épaules par le fait même un poids considérable. Il peut être facile dans ce contexte de vouloir tenter à tout prix d’être un.e proche « efficace » dans son soutien. Il peut être facile de ne pas en faire assez et de s’en vouloir. Il peut être facile aussi d’en faire trop, sans s’en rendre compte, de vouloir être trop dans l’action et les paroles réconfortantes, alors que la présence en elle-même est souvent la plus efficace des réponses.
Le sociologue Tanguy Châtel nous rappelle d’ailleurs qu’« être responsable [dans notre accompagnement de nos proches endeuillé.es], c’est donc aussi accepter de ne pas avoir de réponse. Ou plus exactement, c’est d’accepter que la présence soit en elle-même la réponse. Pouvoir dire en pleine connaissance de cause “je suis là”, ou simplement le manifester, est certainement un des actes les plus réconfortants qui soient au cœur de la détresse. ». Par conséquent, ne perdez jamais de vu que votre qualité de présence, votre façon d’être présent dans la pièce avec l’endeuillé.e, votre manière d’occuper l’espace, d’écouter, d’écouter réellement et profondément sans penser à votre prochaine réplique, c’est là la plus grande, la plus difficile, mais la plus réparatrice des tâches du proche qui accompagne le deuil. Les mots sont parfois insuffisants. Inutile de les utiliser dans ce cas. Laissez l’autre se raconter sans l’interrompre, sans lui donner d’opinions ou de conseils, sans l’amener à voir le positif dans sa situation, et ce à moins qu’il ou elle ne vous en fasse explicitement la demande. Acceptez de rester avec lui dans le silence si nécessaire. Encore une fois, vous ne faites pas rien. Vous ne faites pas « juste » être présent. Vous faites tout en étant présent. Faites confiance au pouvoir réparateur de la présence.
Donc, quoi faire pour soutenir un.e proche en deuil ?
1.
Écoutez la personne, soyez pleinement présent.e dans l’écoute et dans les silences, et ce au meilleur de vos capacités (permettez-vous d’être imparfait.e, vous n’avez pas à jouer le rôle d’un.e thérapeute non plus).
Vous essayez d’écouter. Vous essayez de soigner votre qualité de présence. Et bien, vous faites l’essentiel. Pour ce qui est du reste, l’accompagnement d’un.e proche endeuillé.e consiste à trouver l’équilibre entre se rapprocher et donner l’espace ou la distance dont il ou elle a besoin. À cet égard, chaque endeuillé.e sera différent.e. Certaines personnes auront besoin que vous soyez davantage présent.e dans leur quotidien. D’autres bénéficieront d’un soutien plus ponctuel, mais tout aussi nécessaire. Vous n’avez pas à lire dans les pensées et les émotions de l’autre. Osez demander quel est son besoin, si une activité donnée lui convient, si vous avez bien compris ce qu’on tente de vous dire ou de vous raconter. L’endeuillé.e n’aura pas toujours la réponse à ces questions (mais il l’aura peut-être !).
2.
Vous pouvez proposer et organiser des distractions. Le deuil est épuisant et parfois, nous n’avons pas envie d’en parler ou avons même besoin de ne pas en parler pendant un certain temps. Aider notre proche à se « changer les idées », à faire quelque chose qu’il ou elle aime peut alors être une activité de soutien tout à fait appropriée.
3.
L’écoute et la présence sont importantes. Nous pouvons les qualifier de soutien émotionnel. Toutefois, le soutien pratique peut être aussi incroyablement bénéfique pour notre proche endeuillé.e. Aider à faire le ménage, à cuisiner, à remplir des documents administratifs, à faire des achats et commissions en tout genre, à prendre soin une journée ou deux des enfants : voilà une panoplie d’exemples de soutien pratique qui permettent à la personne endeuillée de ne pas se sentir submergée par la réalité du quotidien, alors qu’elle est peut-être déjà submergée par la réalité de sa perte.
4.
Les petits gestes et les petites attentions sont bien loin d’être si « petits » que cela. Peut-être que pour vous ce n’est pas grand-chose, mais pour l’endeuillé.e, un petit mot laissé sur le réfrigérateur le matin « Passe une belle journée ! Je t’aime ! » peut faire une différence majeure dans son cheminement de deuil. Le deuil est fait d’une succession de petits moments éphémères qui nous plongent dans une souffrance envahissante ou dans quelque chose de plus constructif, d’un peu moins douloureux et de plus doux. En tant que proches, nous pouvons facilement créer de tels moments. Ne négligez pas le pouvoir transformateur des petits gestes et petites attentions.
5.
Trouvez l’équilibre entre la présence (écouter, distraire, soutien pratique, petites attentions) et l’absence. En ce sens que la plupart des individus endeuillés ont aussi besoin de moments de solitude, de ressourcement où ils sont avec eux-mêmes, plongés dans leurs pensées et souvenirs avec le ou la défunt.e peut-être. Vous voulez être présent.e, sans être envahissant.e. Faites attention par contre de ne pas laisser trop d’espace non plus. N’oubliez pas que votre proche peut avoir besoin de vous à nouveau et qu’il ou elle n’osera pas nécessairement venir vers vous de peur de vous déranger avec son deuil. Une façon de procéder peut être de prendre de ses nouvelles régulièrement. De laisser savoir de cette manière que vous êtes présent.e au besoin, et ce même lorsque plusieurs mois et années se sont écoulés. Nous pensons souvent à tort que toutes les personnes endeuillées ont seulement besoin d’être soutenues peu de temps après le décès et que dans les mois et années qui suivent, le deuil est « terminé et tout devrait bien aller désormais ». Le deuil n’est pas un parcours linéaire ou un paysage bien circonscrit. Un an après, six ans après, il est possible d’avoir encore besoin d’en parler à une oreille attentive, ne serait-ce que le temps d’un café ou deux. Certains événements comme les anniversaires, le temps des fêtes et la date du décès peuvent aussi éveiller des préoccupations ou blessures. Il peut être approprié de se « rapprocher » de votre proche en deuil durant ces périodes.
6.
Pour prendre soin d’un.e proche, il faut aussi prendre soin de soi. Écouter et être pleinement présent.e pour l’autre au cours d’une conversation chargée émotivement sont des tâches qui demandent de l’énergie. Vous pourrez être pleinement présent.e certaines journées seulement si vous acceptez d’être incapables d’être présent.e durant d’autres journées. L’accompagnement du deuil se fait souvent mieux en communauté. Chaque proche peut apporter une forme de soutien différent ou complémentaire à l’endeuillé.e en fonction de ses propres forces et disponibilités (disponibilités physiques et mentales). Certes, nous n’avons pas tous et toutes des familles sur lesquelles nous pouvons compter afin de nous partager la tâche. Par contre, plusieurs d’entre nous avons des ami.es qui pourraient prendre soin de nous pendant que nous prenons soin de notre proche en deuil. Si ce n’est pas le cas, n’hésitez pas à faire appel à des organismes d’aide ou des ressources extérieures pour vous aider. Soutenir une personne endeuillée peut être exigeant sur bien des plans.
7.
N’hésitez pas à demander conseil à des professionnel.les de l’accompagnement du deuil si vous avez l’impression de ne pas savoir comment composer avec la situation de votre proche en deuil. Leurs conseils peuvent nous aider à nous sentir un peu moins impuissant.es ou peuvent nous rassurer dans ce que nous faisons.
